La nullité de la saisie conservatoire pour inexistence de la créance
IDEF-OHADA-24-381, Tchad, cour d’appel de Moundou, arrêt commercial, REP. numéro 042-23 du 20 mars 2023, Société Transport Nourdine Mahamat Fils
ContreTAHA MAHAOUD MAHMAT
Contrat de transport des marchandises : litige - compétence territoriale exclusive du tribunal du lieu du domicile du débiteur – non – admission aussi de la compétence territoriale du tribunal de commerce du lieu de conclusion dudit contrat – oui – saisie conservatoire des biens meubles – créance inexistante – nullité - oui
Application des articles suivants :
Article 31 AUPSRVE
Article 54 AUPSRVE
Article 140 AUPSRVE
Article 51 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale du Tchad (CPCCS)*
- Sur la compétence territoriale du tribunal de commerce du lieu de conclusion du contrat
Il est fait grief au jugement attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 54 de l’AUPSRVE. Celles-ci donnent compétence territoriale à la juridiction du domicile ou du lieu où demeure le débiteur pour l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens meubles de ce dernier. En réalité, le siège de la société débitrice se trouve à Ndjamena ; à ce titre, le tribunal de Commerce de Moundou est incompétent. Cependant, l’article 51 du CPCCS du Tchad en son alinéa 1 renchérit que : « En matière contractuelle, la juridiction du lieu de conclusion du contrat ou du lieu où l’obligation doit être exécutée est aussi compétente ». En l’espèce, le contrat de transport par voie terrestre liant les parties a été conclu à Moundou. Par conséquent, le tribunal de commerce de Moundou est également compétent pour connaître le litige provenant dudit contrat. Dès lors, l’exception d’incompétence soulevée par la société débitrice est rejetée.
- Sur la fin de non-recevoir pour défaut de qualité pour agir
La société appelante soulève la fin de non-recevoir de l’intimé pour défaut de qualité pour agir et par ricochet l’irrecevabilité de son action. Mais en l’espèce, l’appelant en faisant une offre de réparation d’un montant de 1.656.000 francs à l’intimé, dans ses écritures, lui reconnait pourtant cette qualité. Dès lors, ces affirmations gratuites sans preuve ne sauraient convaincre la cour et cette fin de non-recevoir est rejetée.
- Sur la nullité de la saisie conservatoire pour inexistence de la créance
Le juge saisi d’une demande tendant à obtenir l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire a l’obligation de rechercher l’existence d’une créance paraissant fondée en principe. Cependant en l’espèce, le principal pour lequel la saisie conservatoire a été ordonnée et pratiquée n’existe pas dans la mesure où il est rapporté par les bordereaux que les 380 sacs de sésame appartenant à l’intimé, créancier saisissant, ont fait l’objet d’un rechargement par ce dernier à Toubouro en direction du port de Douala et qu’aucun procès-verbal de constat d’avarie n’est versé au dossier pour attester que les 380 sacs ont péri. A ce titre, le premier Juge, en ordonnant la saisie conservatoire pour garantir le paiement de la somme de 24.610.050 francs représentant la valeur desdits 380 sacs de sésame alors que leur périssement n’est pas prouvé a ordonné une saisie conservatoire sur la base d’une créance inexistante et a, de ce fait, violé les dispositions de l’article 31 de l’AUPRVE. Il convient alors d’annuler ladite saisie conservatoire et d’ordonner la mainlevée.
- Sur les dommages-intérêts des parties
La société de transport offre une réparation à hauteur de 1.656.000 en reconnaissance du préjudice qu’elle a fait subir à l’intimé suite au retard intervenu pendant le transport durant trois mois et les charges supplémentaires qui se sont ajoutées. Le premier juge a aussi alloué à l’intimé la somme de 5.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts. Cette offre et dommages-intérêts alloués paraissent raisonnables, il convient de donner acte à ladite société pour cette offre et confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a alloué la somme de 5.000.000 à titre de dommages-intérêts à l’intimé.
En outre, ladite société de transport sollicite une réparation à hauteur de 84.000.000 de francs à titre d’indemnité d’immobilisation abusive de deux véhicules saisis. Mais, la base de la présente procédure (allant de la saisie conservatoire en passant par celle de l’injonction de payer pour déboucher en appel) est liée au fait que ladite société a utilisé des fausses plaques d’immatriculation ayant entrainé l’immobilisation desdits véhicules par la police camerounaise causant le retard pendant l’exécution du contrat de transport liant les parties. En droit, « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». En effet, l’appelant qui a usé des fausses immatriculations ne peut s’en prendre qu’à lui-même pour les préjudices résultant de l’immobilisation de ses véhicules par voie de saisie conservatoire. Par conséquent, sa demande en dommages-intérêts est mal fondée et est rejetée.
Abstract : Taher ABDOU, Doctorant en droit privé (Niger)
Article 51 alinéa 1 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale (Tchad): « En matière contractuelle, la juridiction du lieu de conclusion du contrat ou du lieu où l’obligation doit être exécutée est aussi compétente »
Référence pour citer l’abstract :
Mars 2024, note d’abstract rédigée par Taher ABDOU, « La nullité de la saisie conservatoire pour inexistence de la créance », in http://www.institut-idef.org et Accueil Jurisprudence-OHADA, IDEF-OHADA-24-381, Tchad, cour d’appel de Moundou, arrêt commercial, REP. Numéro 042-23 du 20 mars2023, Société Transport Nourdine Mahamat Fils, Contre Taha Mahaoud Mahmat