IDEF-OHADA-25-506, République de Côte d’Ivoire, cour d’appel de commerce d’Abidjan, 5e chambre, arrêt contradictoire numéro 633-2023 du 27 juin 2023, Madame C.M.H.B. née R et autres Contre la société GLOBAL KHIS CONSULTING et la SOCIETE IVOIRIENNE DES TRAVAUX ET DE CONSTRUCTION DE BATIMENTS dite (SITCB)
Bail à usage professionnel : action en expulsion du preneur exercée devant le tribunal de commerce - défaut de tentative de règlement amiable préalable prévu par la loi nationale – sanction –irrecevabilité de ladite action
Application des articles suivants :
Article 10 du Traité de l’OHADA
Article 124 de l’AUDCG
Articles 5 et 41 de la loi organique N°2016-1110 du 08 décembre 2016 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce (Côte d’Ivoire) *
L’article 10 du Traité de l’OHADA consacre la supériorité des Actes uniformes sur les dispositions du droit interne. A ce titre, en présence d’une procédure spéciale prévue par l’AUDCG pour la saisine de la juridiction compétente, les normes nationales ne sont pas applicables. Par contre, dans le silence des Actes uniformes, la loi nationale est applicable. En l’occurrence, l’AUDCG ne prévoit aucune procédure spéciale préalable à la saisine des juridictions compétentes en matière d’expulsion pour déchéance du droit au renouvellement du bail régi par l’article 124 dudit acte ; il y a donc lieu de se référer au droit interne. Il découle de ce dernier, plus précisément des articles 5 et 41 dernier alinéa de la loi organique N°2016-1110 du 08 décembre 2016 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce, que les parties doivent entreprendre toutes les diligences nécessaires en vue de parvenir à un règlement amiable de leur litige avant la saisine du Tribunal de Commerce, faute de quoi l’action doit être déclarée irrecevable. En l’espèce, aucune pièce du dossier n’atteste que les parties se sont rapprochées en vue de régler le litige qui les oppose
à l’amiable avant la saisine du tribunal de commerce. N’ayant pas respecté ce préalable obligatoire pour saisir ladite juridiction et celle-ci, en déclarant recevable l’action des intimés, a fait une mauvaise application de la loi. Ainsi, y a lieu d’infirmer le jugement attaqué et de déclarer irrecevable ladite action en expulsion.
Observations :
Cet arrêt du 27 juin 2023 rendu par la cour d’appel de commerce d’Abidjan rappelle quelques fondamentaux, tant sur le rapport entre les actes uniformes et les dispositions de droit interne, que sur la recevabilité des actions devant le tribunal de commerce ivoirien.
- Sur le rapport entre les actes uniformes et les dispositions de droit interne :
L’arrêt analysé est intéressant en ce qu’il précise que la supériorité des actes uniformes OHADA sur les dispositions de droit interne ne signifie pas que ces dernières n’auraient plus aucune vocation à s’appliquer. Elles signifieraient simplement que les dispositions de droit interne ne doivent pas être en contradiction avec les dispositions du droit uniforme et trouvent application dans le silence de ce dernier.
- Sur la recevabilité des actions devant le tribunal de commerce :
De même, lorsqu’une disposition de droit interne, qui n’est pas contraire à l’acte uniforme, prévoit le préalable d’une tentative de règlement à l’amiable ou d’une conciliation entre les parties, cette étape doit être nécessairement respectée avant la saisine du juge. Ce préalable permet notamment de désengorger les tribunaux en donnant aux parties la possibilité de résoudre elles-mêmes leur différend par une solution plus rapide et moins couteuse.
Abstract : Pétronille BOUDJEKA, Juriste d’entreprise (Cameroun)
-----
Référence pour citer l’abstract :
Janvier 2025, note d’abstract rédigée par Pétronille BOUDJEKA, « Irrecevabilité de l’action en expulsion du preneur devant la juridiction de commerce pour défaut de tentative de règlement amiable préalable exigée par le droit interne», Obs. Pétronille BOUDJEKA in http://www.institut-idef.org, www.jurisprudence-ohada.com et www.librairienumeriqueafricaine.com , IDEF-OHADA-25-506, République de Côte d’Ivoire, cour d’appel de commerce d’Abidjan, 5e chambre, arrêt contradictoire numéro 633/2023 du 27 juin 2023, Madame C.M.H.B. née R et autres Contre la société GLOBAL KHIS CONSULTING et la SOCIETE IVOIRIENNE DES TRAVAUX ET DE CONSTRUCTION DE BATIMENTS dite (SITCB)
* Extrait de Loi organique N°2016-1110 du 08 décembre 2016 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce (Côte d’Ivoire)
Article 5
La tentative de règlement amiable est obligatoire avant toute saisine du tribunal de commerce et se tient entre les parties elles-mêmes ou avec l’intervention d’un tiers dans le cadre d’une médiation ou d’une conciliation.
Article 41
Au jour fixé pour l’audience, si les parties comparaissent ou sont représentées, le tribunal de commerce s’assure que les parties ont entrepris des diligences en vue de parvenir à une résolution amiable de leu litige.
Si les parties ont accompli des diligences sans parvenir à un accord, et que l’affaire est en état d’être jugée, le tribunal délibère, dans les meilleurs délais, sur rapport d’un de ses membres.
Ce délai ne peut excéder quinze (15) jours.
Si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal renvoie à une prochaine audience et confie à l’un de ses membres le soin de l’instruire en qualité de juge rapporteur.
Si les parties n’ont entrepris aucune diligence en vue de parvenir à un règlement amiable, le tribunal déclare l’action irrecevable.