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IDEF-OHADA-25-549, CCJA, Arrêt numéro 141/2023 du 29 juin 2023, Banque Ah AJ dite BPMG-SA contre Groupement d’entreprises de Guinée (ENCODI ENGECO-EGC-BAH et Fils)
Marché public : contrat de crédit ; caution de bonne exécution ; cautions personnelles et solidaires ; hypothèques ; cas de force majeure ; suspension des travaux ; gel du financement ; expertises comptables ; prélèvements indus ; frais de tenue de compte et agios ; absence de défaillance du débiteur ; créance contestée ; condamnation à restituer des sommes
Application des articles suivants :
- Articles 13, 127, 128, 190 et 193 de l’AUS
- Des conditions d’engagement de la caution envers le créancier :
La caution n’étant tenue envers le créancier que si le débiteur est défaillant et si la créance est fondée ; le débiteur qui n’a pas failli à ses obligations, en raison de la totale réalisation des travaux tels que spécifiés dans le contrat de marché, les cautions ne peuvent être appelées à réaliser leurs garanties au bénéfice de la banque. Il s’en suit que l’arrêt attaqué qui a rejeté la demande de faire supporter par les cautions les frais et agios générés par l’opération n’a pas violé la loi, d’où le rejet du moyen comme mal fondé.
- Des conditions de réalisation des hypothèques :
La créance contestée dans son fondement par le débiteur, ne peut entraîner la réalisation des hypothèques consenties en raison du fait que ladite contestation la rend équivalente à une créance qui n’existe pas. Ainsi, la cour d’appel qui a refusé d’ordonner la réalisation des hypothèques consenties librement par les parties et affectées en garantie du paiement complet de la créance a fait une correcte application de la loi d’où le rejet du moyen comme également mal fondé.
- De l’exigence de proportionnalité des droits entre créancier nanti et débiteur :
Les droits du créancier nanti ne peuvent être supérieurs à ceux que doit supporter le débiteur lorsqu’une partie de la créance n’est pas fondée et est contestée, comme le sont les prélèvements de frais de tenue et agios durant la période de gel du financement et de la suspension des travaux quand bien même le nantissement du marché public a été consenti. Ainsi, le prélèvement des frais de tenue et agios ne devait pas être maintenu dans la mesure où ceux-ci étant tributaires des paiements du bailleur de fond, si les paiements de ce dernier sont arrêtés en raison de la survenance d’un cas de force majeur, les comptes le sont aussi. La cour d’appel n’ayant aucunement commis la violation alléguée au moyen, il y a lieu de le rejeter.
- De l’irrecevabilité du moyen tiré de la violation du principe du contradictoire
Doit être déclaré irrecevable le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire dans la mesure où ladite violation n’est pas un cas d’ouverture de cassation prévu par le Règlement de procédure de la CCJA.
- Du rejet de l’omission de statuer sur une demande par le juge d’appel :
Il échet de rejeter le moyen fondé sur l’omission de statuer dans la mesure où de l’examen des différentes pièces du dossier, les expertises qui ont été ordonnées en raison de la contestation réciproque des parties sur les créances réclamées de part et d’autre, ont toutes révélé des trop prélevés opérés par la banque sur le compte du défendeur au pourvoi qu’il convient de restituer. Il en ressort qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a effectivement statué sur cette demande, mais ne l’a pas trouvée fondée et l’a rejetée.
- De l’absence de dénaturation des faits sur le montant de la créance :
N’est pas fondé et doit être rejeté le moyen arguant de la dénaturation des faits dans la mesure où la cour d’appel, en retenant contre la banque, demanderesse au pourvoi, « un crédit partiel de 2.088.156.087 GNF » tel qu’il ressort des conclusions du rapport de contre-expertise, n’a aucunement dénaturé les faits sur le montant de la créance retenue par ledit rapport.
- De l’absence de dénaturation des faits résultant de leur interprétation incorrecte :
En établissant conformément aux pièces du dossier que la banque, demanderesse au pourvoi, n’a pas été un simple domiciliataire mais aussi caution de bonne exécution des travaux entrepris par le défendeur au pourvoi et financés par le bailleur de fond d’une part ; que les paiements dudit bailleur étaient soumis à un prélèvement automatique à la banque qui en avait profité pour opérer des prélèvements indus qu’il convient de restituer d’autre part ; la condamnation de la banque à rétrocéder les prélèvements s’élevant à « 3.303.813.914 francs guinéens et 71.278,19 euros » conformément aux conclusions de l’expertise-comptable, qui a l’avantage d’être complet et contre lequel celle-ci n’a fait aucun grief, la cour n’a aucunement dénaturé les faits d’où le rejet du moyen comme mal fondé.
Abstract : Ganiyou BOUSSARI, Doctorant (Sénégal).
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Référence pour citer l’abstract
Mai 2025, note d’abstract et Observations rédigées par Ganiyou BOUSSARI, « Des conditions de réalisation de certaines garanties constituées en matière de marché public », in www.institut-idef.org, www.jurisprudence-ohada.com et www.librairienumeriqueafricaine.com, IDEF-OHADA-25-549, CCJA, Arrêt numéro 141/2023 du 29 juin 2023, Banque Ah AJ dite BPMG-SA contre Groupement d’entreprises de Guinée (ENCODI ENGECO-EGC-BAH et Fils).
Observations :
En précisant les conditions de réalisation des engagements pris par les cautions (personnelles et solidaires), la juridiction suprême de cassation précise que la prise de pouvoir par l’armée ayant eu pour conséquence le gel du financement des travaux du marché public dont l’exécution a été confié au débiteur par le bailleur et leur suspension pendant 5 ans, constitue un cas de force majeure et, par conséquent, une cause d’exonération de responsabilité devant entraîner, entre autres, la suspension des effets du contrat liant les parties. Ainsi, tous les prélèvements de frais de tenue de compte et agios opéré pendant cette période sont dépourvus de fondement.
Rejetant la demande de réalisation de l’hypothèque, la juridiction suprême précise qu’en matière de garantie hypothécaire, si l’identification du bien hypothéqué est nécessaire, la réalisation de l’hypothèque est conditionnée par la défaillance du débiteur, laquelle est caractérisée par le non-règlement d’une créance qui existe, c’est-à-dire qui est certaine, liquide et exigible.