Nullité de l’arrêt de la cour d’appel pour avoir statué sur le recours en annulation de la sentence arbitrale au-delà du délai prévu de trois mois

IDEF-OHADA-24-493, CCJA, première chambre, arrêt numéro 1712023 du 13 juillet 2023, Société Internationale d’Assurances Multirisques (SIDAM SA) Contre Socié

IDEF-OHADA-24-493, CCJA, première chambre, arrêt numéro 171-2023 du 13 juillet 2023, Société Internationale d’Assurances Multirisques (SIDAM SA) contre Société MCI Care Côte d’Ivoire, ex MCI SOGEM

 

 Recours en cassation : défaut d’indication de certaines mentions – irrecevabilité subordonnée à la demande de régularisation - recours en annulation de la sentence arbitrale – arrêt d’appel rendu au-delà du délai prévu de trois mois non-respect des attributions juridictionnelles - excès de pouvoir- nullité dudit arrêt

Application des articles suivants :

Articles 28.6 et 28 bis du Règlement de procédure de la CCJA (RPCCJA)

Article 27 de l’AUA

Articles 46, 140 alinéa 4 et 173 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative*

Articles 41, 45 alinéa 3 et 49 de la Loi ivoirienne relative aux juridictions de commerce**

 

  1. L’irrecevabilité du pourvoi pour défaut d’indication des mentions prévues à l’article 28 du RPCCJA est subordonnée à la demande de régularisation du greffe

Le défaut d’indication des mentions prévues à l’article 28 du Règlement de procédure de la CCJA n’entraine l’irrecevabilité du recours qu’à la suite d’une demande de régularisation formulée par le greffe à l’attention du requérant et restée infructueuse. En l’espèce, aucune demande de régularisation du recours n’ayant été adressée au requérant, le pourvoi est recevable. La fin de non-recevoir doit donc être rejetée comme non fondée.

  1. Nullité de l’arrêt de la cour d’appel rendu au-delà du délai de trois mois prévu pour statuer sur le recours en annulation de la sentence arbitrale

Conformément à l’article 27 de l’AUA, la juridiction compétente statue sur le recours en annulation de la sentence arbitrale dans le délai de trois (03) mois à compter de sa saisine, faute de quoi, elle est dessaisie et le recours peut être porté devant la CCJA dans les quinze (15) jours suivants. En outre, il résulte des dispositions du droit ivoirien qu’aucune juridiction ivoirienne ne peut commencer à instruire une affaire avant la date fixée pour la première audience, elle-même fixée par le demandeur sur l’acte de saisine ou lors de l’enrôlement. On déduit que la notion de date de saisine prévue par l’article 27 de l’AUA doit être entendue, en République de Côte d’Ivoire, comme celle à laquelle la juridiction nationale peut légalement commencer l’instruction de son dossier, à savoir la date de la première audience.

En l’espèce, l’affaire objet du recours en annulation de la sentence arbitrale a été appelée pour la première fois à l’audience du 23 décembre 2021, le délai de trois mois qui commence à courir à compter de ce jour expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte ou de l’événement qui le fait courir. Ce jour qui porte le même quantième étant le 23, la cour d’appel qui a statué le 24 mars 2022, alors que le délai avait expiré la veille à savoir le 23 mars 2022, l’a fait hors délai. Par conséquent, au moment où elle statuait, cette cour d’appel était déjà dessaisie au profit de la CCJA. En statuant alors qu’elle n’était plus saisie, ladite cour d’appel a commis un excès de pouvoir et son arrêt est dès lors nul et non avenu. Il échet dès lors de déclarer l’arrêt nul et non avenu et de dire n'y avoir lieu à évocation.

Observations :

Cette décision rendue par la CCJA est intéressante en ce qu’elle subordonne l’irrecevabilité du recours en cassation pour défaut des mentions de l’article 28 du RPCCJA à la demande préalable de régularisation adressée au requérant. Il s’agit sans doute là d’une mesure de faveur pour les justiciables, aux fins d’éviter les cas d’irrecevabilité systématique des recours.

Par cette décision, la CCJA rappelle par ailleurs le sens à donner à l’article 27 de l’AUA. Elle précise à partir de quelle date le délai de trois mois, dont disposent les juridictions nationales pour statuer sur le recours en annulation de la sentence arbitrale, commence à courir. Aussi, la juridiction compétente n’ayant pas statué au terme des trois mois est dessaisie d’office. Il s’agit d’une position constante de la CCJA, car dans son arrêt N°199/2022 du 29 décembre 2022[1],  elle avait pareillement affirmé que la juridiction compétente qui n’a pas statué dans le délai de trois était dessaisie ; peu importait alors que le demandeur au pourvoi n’ait pas exprimé un quelconque dessaisissement devant celle-ci, puisque le dessaisissement résulte de l’application de l’article 27 de l’AUA. Il est donc clairement établi que toute juridiction nationale d’un Etat partie de l’OHADA saisie d’un recours en annulation d’une sentence arbitrale est tenue de s’en tenir rigoureusement au délai de trois mois pour statuer, faute de quoi elle est dessaisie d’office.

Abstract et Observations : Pétronille BOUDJEKA, Juriste d’entreprise (Cameroun)

 

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Référence pour citer l’abstract :

Décembre 2024, note d’abstract et Obs. rédigées par Pétronille BOUDJEKA, « Nullité de l’arrêt de la cour d’appel pour avoir statué sur le recours en annulation de la sentence arbitrale au-delà du délai prévu de trois mois », in www.institut-idef.org, www.jurisprudence-ohada.com  et www.librairienumeriqueafricaine.com, IDEF-OHADA-24-493, CCJA, première chambre, arrêt numéro 171/2023 du 13 juillet 2023, Société Internationale d’Assurances Multirisques (SIDAM SA) Contre Société MCI Care Côte d’Ivoire, ex MCI SOGEM

* Extrait du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative

Article 46

Au jour fixé pour l’audience, l’affaire est obligatoirement appelée.

Si le demandeur ne comparaît pas, ni personne pour lui, l’affaire est rayée d’office, à moins que le défendeur ne sollicite jugement au fond. Si l’affaire n’est pas inscrite au rôle, faute pour le demandeur d’avoir consigné, elle sera renvoyée à cette fin, sur la demande du défendeur et après consignation par ce dernier. Dans les deux as, il sera statué par jugement contradictoire.

Si le demandeur se trouve dans l’impossibilité de se déplacer il peut demander à être entendu sur commission rogatoire ou solliciter que le Tribunal statue sur pièces.

Si le défendeur ne comparaît pas, ni personne pour lui, il sera statué conformément à l’article 144.

Article 140 alinéa 5 [2]

En tout état de cause, le tribunal doit statuer dans un délai de six (06) mois maximum à compter de la première audience.

Article 173

Au jour fixé pour l’audience, si l’affaire est enrôlée, elle est obligatoirement appelée.

Lorsque les parties ont manifesté le désir de ne pas plaider ou si l’intimé, bien que touché par l’assignation, ne présente pas ni personne pour lui, l’affaire est jugée sur pièces. Dans le cas contraire, les parties sont entendues en leurs explications.

L’affaire ne peut être renvoyée qu’une seule fois pour motif grave.

Toutefois, les parties peuvent, par requête adressée au Président de la Chambre saisie, obtenir l’évocation de cette affaire avant le terme du délai ou la date de l’audience fixée. La partie qui en fait la demande doit avertir l’autre dans les trois (03) jours par exploit d’huissier. Faute de quoi la date initiale d’audience est maintenue.

Après clôture des débats, l’affaire est mise en délibéré pour arrêt être rendu.

Si à l’audience de renvoi les parties ne sont pas en mesure de plaider, la Cour passe outre et l’appel est jugé sur pièces.

** Extrait de Loi ivoirienne relative aux juridictions de commerce

Article 41

Au jour fixé pour l’audience, si les parties comparaissent ou sont représentées, le tribunal de commerce s’assure que les parties ont entrepris des diligences en vue de parvenir à une résolution amiable de leu litige.

Si les parties ont accompli des diligences sans parvenir à un accord, et que l’affaire est en état d’être jugée, le tribunal délibère, dans les meilleurs délais, sur rapport d’un de ses membres.

Ce délai ne peut excéder quinze (15) jours.

Si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal renvoie à une prochaine audience et confie à l’un de ses membres le soin de l’instruire en qualité de juge rapporteur.

Article 45 alinéa 3

En tout état de cause, le jugement est rendu dans un délai impératif de trois (03) mois, à compter de la première audience.

Article 49

Les règles édictées pour la procédure devant le tribunal de commerce sont applicables devant la cour d’appel dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent chapitre.

Toutefois, les délais prescrits aux articles 41 et 43 de la présente loi sont de deux (02) mois pour la cour d’appel et d’un (01) mois pour le juge rapporteur.

[1] CCJA, arrêt N°199/2022 du 29 décembre 2022, affaire :  Société Fontaine à Bière contre Société Anonyme des Brasseries du Cameroun, https://jusmundi.com/fr/document/decision/fr-societe-anonyme-des-brasseries-du-cameroun-sabc-v-fontaine-a-biere-fab-arret-de-la-cour-commune-de-justice-et-darbitrage-de-ohada-199-2022-thursday-29th-december-2022#decision_69628 ; voir aussi Darly Aymar DJOFANG,  Panorama de la jurisprudence de la Cour commune de justice et d’arbitrage en droit de l’arbitrage : années 2021 et 2022  in  Lexbase Afrique-OHADA n°69 du 14 septembre 2023, https://www.lexbase-afrique.com/revue/99425746-panorama-panorama-de-la-jurisprudence-de-la-cour-commune-de-justice-et-darbitrage-en-droit-de-larbit

[2] La décision indique l’alinéa 4, mais il s’agit en réalité de l’alinéa 5.

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