Application des articles suivants :
- Articles 12, 13 et 175 du Code de procédure civile, commerciale et administrative de la Côte d’ivoire (CPCCA)
- Articles 2, 3 et 9 de la loi n°2016-1110 du 8 décembre 2016 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce
- Articles 1153, 1184 et 1382 du Code civil applicable en Côte d’ivoire
- Articles 3 et 259 de l’AUDCG
1- La compétence territoriale d’ordre public des juridictions de commerce ivoiriennes en présence d’une clause attributive de compétence à une juridiction étrangère
L’article 18 du CPCCA prévoit exceptionnellement que les règles de compétence territoriale sont d’ordre public en matière administrative ou lorsqu'une disposition légale attribue compétence exclusive à une juridiction déterminée. Il résulte de la loi ivoirienne n°2016-1110 du 8 décembre 2016 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce que celles-ci sont des juridictions spécialisées qui connaissent des litiges entre commerçants, ceux ayant un objet commercial, ou des actes ayant un caractère mixte, c'est-à-dire ayant un caractère commercial pour l'une des parties et civil pour l’autre. Il s’en infère que la compétence territoriale des juridictions de commerce, qui bénéficient d’une compétence d’attribution relativement aux litiges précités, est d’ordre public. En l’espèce, il est constant que l’intimée, défenderesse à l’action initiale, est domiciliée en Côte d’Ivoire, les parties sont toutes deux des sociétés commerciales par la forme, le contrat en cause a été exécuté en Côte d'Ivoire et que le litige porte sur une vente commerciale, laquelle est un acte de commerce par nature, conformément à l’article 3 de l’AUDCG. Par conséquent, les juridictions de commerce ivoiriennes ont une compétence liée à laquelle il ne saurait être dérogée par convention, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a non seulement rejeté l’exception d’incompétence fondée sur la clause attributive de compétence à la juridiction française, mais également a retenu sa compétence et fait application de la loi ivoirienne.
2- De l’opposabilité de la clause de force majeure Covid-19 à l’acheteur
C’est à tort que l’appelante en sa qualité d’acheteur, à qui le vendeur a, suite à l’envoi de ses conditions générales d’achat, à son tour, envoyé ses conditions générales de paiement, soutient que celles-ci ne lui sont pas applicables, alors qu’elle avait la possibilité d’annuler ses commandes, à défaut d’acceptation sans réserve de ses conditions d’achat. Comme l’a fort justement relevé le premier juge, ces conditions contenant la clause COVID-19 ont été communiquées à l’appelante et lui ont été rappelées dans différents courriels sans qu'elle n'émette la moindre réserve ; de sorte qu’elles lui sont opposables. Les parties ayant alors envisagé la COVID 19 dans le contrat les liant comme un cas de force majeure et qu’il est acquis que pendant toute la période d’exécution du contrat la COVID-19 a sévi, de sorte que les perturbations qu’elle a occasionnées et qui ont impacté l’exécution dudit contrat, notamment en ce qui concerne les délais de livraison exonèrent l’intimée de toute responsabilité. Par conséquent, c’est à tort, que l’appelante sollicite d’une part, que la responsabilité de l’intimée soit retenue et, d’autre part, que la cour constate que la résiliation du contrat de vente commerciale opérée par elle est légitime.
4- Le rejet de la demande en nullité du jugement querellé pour omission de statuer
Il est fait obligation à tout juge, sous peine de statuer infra petita, de statuer sur tous les chefs de demande qui lui sont présentés. En examinant la décision querellée, il ressort qu’en l’espèce, le premier juge n’a pas statué sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de la défense faite par l’intimée à la caution de payer l’appelante. Cependant, cette omission ne saurait entrainer la nullité de la décision querellée comme le souhaite l’appelante, car la cour d’appel de céans, à laquelle est dévolue l’affaire, a la possibilité de statuer sur le chef omis sans annuler ledit jugement. Evoquant alors l’affaire, ladite cour d’appel juge que la responsabilité civile délictuelle nécessite la réunion cumulative d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la caution n’était tenue de payer qu’en cas de défaillance de l’intimée. Mais, il a été sus jugé que l’intimée n’était pas défaillante dans l’exécution du contrat liant les parties ; de sorte qu’en s’opposant à tout paiement, elle n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité. Il convient donc de rejeter cette demande en responsabilité.
6- De la non-prescription de l’action de l’acheteur fondée sur un défaut de conformité caché
La prescription de l’action de l’acheteur fondée sur un défaut de conformité caché ne courant qu’à compter du constat du défaut, l’intimée ne peut prétendre que ladite prescription est acquise, alors surtout qu’elle est survenue au cours de l’instance introduite le 25 avril 2022 et le défaut constaté le 11 octobre 2022. Par ailleurs, la défectuosité des pièces litigieuses est attestée par la cocontractante de l’appelante dans son courrier en date du 31 janvier 2023 adressé à cette dernière. Par conséquent, il convient d’ordonner à l’intimée de remplacer les pièces défaillantes. Cependant, quant au paiement des dommages-intérêts au titre du préjudice financier subi du fait de cette défaillance du matériel livré qu'il se trouve contraint de remplacer, l’appelant produit un simple devis, non soutenu par la preuve d’un paiement effectif. A ce titre, il convient de rejeter cette demande en paiement.
7- De la condamnation de l’intimée au paiement des dommages et intérêts moraux en lien avec la défectuosité des matériels livrés
Le préjudice moral peut s’analyser en une faute, une action ou un comportement émanant d’un tiers, qu’il soit volontaire ou involontaire, et qui a entrainé un dommage à l’égard d’une personne, la société commerciale en l’occurrence. Il nécessite l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité. En l’espèce, les défectuosités des cellules électriques commandées et révélées par son cocontractant ont nécessairement écorné l’image et la réputation de l’appelante, de sorte que c’est à bon droit qu’elle sollicite une indemnisation. Toutefois le montant sollicité étant excessif, il convient de le ramener à de justes proportions en condamnant l’intimée au paiement de la somme de 50.000.000 F CFA à titre de dommages et intérêts.
8- De la condamnation de l’appelante au paiement du reliquat de la créance restante due
Fait une saine appréciation des faits, le tribunal qui condamne l’appelante à payer à l’intimée la somme reliquataire après déduction des différentes sommes déjà payées à cette dernière.
9- De l’exclusion de la responsabilité de l’appelante du fait de l’inapplicabilité de la loi française
Ayant été jugé que seule la loi ivoirienne est applicable à ce litige, la demande de l’intimée en paiement de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral subi du fait du non-paiement de sa créance et fondée sur une loi étrangère, en l’occurrence l’article 1231-1 et 1217 du Code civil français, ne peut prospérer et doit être rejetée. En outre, les dommages et intérêts auxquels peut prétendre un cocontractant résultant du non-paiement d’une somme d’argent consiste seulement au paiement des intérêts de droit, conformément à l’article 1153 du Code civil applicable en Côte d’ivoire.
Abstract : Ganiyou BOUSSARI, Doctorant (Sénégal).
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Référence pour citer l’abstract
Décembre 2024, note d’abstract rédigée par Ganiyou BOUSSARI, « La compétence territoriale d’ordre public des juridictions de commerce en Côte d’Ivoire », in http://www.institut-idef.org, www.jurisprudence-ohada.com et www.librairienumeriqueafricaine.com, IDEF-OHADA-24-486, République de Côte d’Ivoire, cour d’appel de commerce d’Abidjan, première chambre, arrêt contradictoire numéro 492-2023 du 11 mai 2023, La société BOUYGUES ENERGIES & SERVICES AFRIQUE DE L’OUEST (BYE & SAO) contre La SOCIETE GENERALE D’ELECTRICITE (SOGELEC SARL).