Saisie Immobilière: nullité commandement saisie immobilière, caractère certain, liquide et exigible d’une créance en compte courant,
Application des articles suivants :
- Article 254 ancien de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution (AUPSRVE) ;
Article 247 ancien de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution (AUPSRVE) ;
Sur la violation des articles 254 et 247 de l’AUPSRVE
Viole les dispositions des articles 254 (1°, 2° et 4°) et 247 de l’Acte Uniforme relatif à l’Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution, le commandement aux fins de saisie immobilière qui ne contient ni copie du titre exécutoire ni pouvoir spécial de saisie attribué à l’huissier et qui ne précise pas non plus la juridiction où l’expropriation devrait être poursuivie.
Il convient également de noter que les photocopies des titres exécutoires et du pouvoir spécial de saisie, légalisées par une autorité incompétente (un huissier de justice), sont dépourvues de valeur légale.
Enfin, la créance, objet du commandement, n'est pas considérée comme certaine, liquide et exigible, car elle résulte d’un compte courant qui n'a pas été clôturé de manière contradictoire et dont le solde n’a pas été signé par le débiteur. De surcroit, le solde arrêté unilatéralement n'a pas pris en compte les remboursements effectués par le saisi.
Ces irrégularités compromettent la validité du commandement en vue de la saisie immobilière contesté
Abstract : Stylain Goma, Conseil Juridique, Sénégal.
Observations
Au Cameroun, la cour d’appel du centre, dans l’arrêt n°82/COM DY 21 juin 2023, se fonde sur une vielle tendance jurisprudentielle de la CCJA dite « jurisprudence de l’arrêté contradictoire » pour invalider le commandement aux fins de saisie immobilière servi par le créancier saisissant.
En effet, en faisant fi de la spécificité du droit bancaire qui organise par le biais de la convention des parties l’approbation implicite du relevé du compte bancaire par son client, la CCJA, à partir de 2013 et d’une manière constante, a exigé que la banque créancière devrait procéder à un arrêté contradictoire de compte lors de la clôture pour que sa créance puisse être considérée comme certaine, liquide et exigible.
Or depuis 2020, les décisions rendues par la même CCJA ont procédé d’un raisonnement contraire, désormais conforme au particularisme du droit bancaire en matière de la reconnaissance du relevé de compte bancaire comme preuve de la créance bancaire, en cas de silence gardé par le titulaire du compte. En effet, à l’occasion des arrêts N° 125/2020 du 09 avril 2020 et 183/2020 du 28 mai 2020, la CCJA a jugé, que l’exigibilité de la créance est acquise ; le compte courant ayant été régulièrement clôturé et la débitrice qui a été notifiée de cette clôture n’ayant élevé aucune objection. De même, dans son arrêt n°088/2021 du 27 mai 2021, la CCJA a validé la décision de la cour d’appel d’Abidjan qui a jugé que, le débiteur n’ayant pas soulevé la moindre objection quant au montant de la créance, objet de ladite clôture à la réception de la lettre de clôture de compte a ainsi entériné cette clôture. (CCJA, 2ème ch. arrêt n°88/2021 du 27 mai 2021, KOUASSI RICHARD AMON & YANNICK AKASSI EHOLIE C/ BGFIBANK COTE D'IVOIRE). Plus récemment, dans une décision du 29 juin 2023, la CCJA a confirmé sa position en jugeant que « le débiteur n’ayant pas protesté à la réception de la lettre qui lui a été adressée par la banque pour l’aviser de la clôture juridique de son compte et qui n’a élevé aucune objection quant au montant de sa dette, objet de ladite clôture, a entériné cette clôture ; que par conséquent, en retenant que la clôture du compte n’a pas été contradictoire, alors même qu’il n’est pas contesté que le débiteur a sollicité et obtenu maintes informations sur ses comptes, sans élever une quelconque protestation, la cour d’appel a violé l’article 153 de l’Acte uniforme en annulant le procès-verbal de saisie-attribution ; qu’il échet de casser l’ordonnance attaquée et d’évoquer et ce, sans qu’il soit utile d’analyser la première branche du moyen et le second moyen.
Dès lors que la saisine intervient deux jours après la clôture du compte et plusieurs mois après des échanges réguliers entre les deux parties, suivis d’une mise en demeure faite en bonne et due forme (…), il n’y a pas lieu à annulation de l’acte de saisie-attribution de créances, à mainlevée de ladite saisie, (…) ni à un quelconque paiement de dommages et intérêts et autres par IB Bank » (CCJA, 2ème ch. Arrêt N° 151/2023 du 29 juin 2023, International Business Bank dite IB BANK SA C/ Boubacar BARRO).
Ainsi, la cour d’appel du centre du Cameroun en rendant cet arrêt le 21 juin 2023 dans affaire Sieur ENYEGUE MBALLA Pierre contre Société de Recouvrement des créances du Cameroun, n’a pas tenu compte du revirement intervenu à la CCJA qui elle-même est revenu à nouveau en janvier 2024 sur son principe de l’« arrêté contradictoire » à l’occasion de l’arrêt CCJA, Deuxième chambre, Arrêt Numéro 012/2024 du 25 janvier 2024, PANDORA SARL Contre ORABANK – NIGER SA.
Décidemment la question de la valeur probante du relevé de compte continue de perturber le droit bancaire au sein de l’espace OHADA et de fragiliser la sécurité judiciaire de cet espace.
Arlette BOCCOVI, Consultante, Juriste de banque et d’affaires
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Référence pour citer l’abstract :
Novembre 2024, note d’abstract rédigée par Stylain GOMA, « Invalidité du commandement aux fins de saisie immobilière pour violation des articles 254 et 247 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution (AUPSRVE) », Obs. Arlette BOCCOVI in http://www.institut-idef.org et Accueil Jurisprudence-OHADA, IDEF- OHADA-24-452, COUR D’APPEL DU CENTRE DU CAMEROUN, AUDIENCE COMMERCIALE, arrêt n°82/COM DY 21 juin 2023, affaire n°207/RG/2021 DU 27 OCTOBRE 2021, Sieur ENYEGUE MBALLA Pierre contre Société de Recouvrement des créances du Cameroun.