Le remboursement des impenses faites par le locataire est subordonné à la preuve de l’autorisation préalable du bailleur
IDEF- OHADA-24-394, Côte d’ivoire, COUR D’APPEL DE COMMERCE D’ABIDJAN, arrêt de défaut numéro 499-2023 du 16 mai 2023, 5e chambre, Monsieur A.O contre Madame K.A.G
Contrat de bail à usage professionnel : travaux réalisés par le locataire dans les locaux loués - résiliation unilatérale dudit bail par le bailleur – demande du locataire en justice en remboursement des impenses – rejet pour défaut de production de la preuve de l’autorisation préalable du bailleur – condamnation du bailleur à la restitution du montant de la caution et au paiement des dommages-intérêts
Application des articles suivants :
- Article 131 de l’Acte Uniforme portant sur le Droit Commercial Général (AUDGC);
- Article 1315 du Code civil français de 1804 applicable en Côte d’ivoire* ;
- Article 112 de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général (AUDGC) ;
- Article 1147 du Code civil français de 1804 applicable en Côte d’ivoire*
Sur la demande en remboursement des impenses
Il ressort de l’analyse combinée des articles 131 de l’AUDCG et 1315 du Code civil que le preneur ne peut obtenir le remboursement des impenses réalisées dans un local loué qu’à condition de prouver qu’elles ont été faites avec l’autorisation préalable du bailleur.
En l’espèce, le preneur n’a produit au dossier de la procédure aucun élément attestant de l’autorisation expresse préalablement obtenue de sa bailleresse avant les travaux d’aménagements des locaux loués. Cette autorisation du bailleur exigée par l’article 131 précité devant être sans équivoque, préalable à la réalisation desdits travaux, c’est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande en remboursement des impenses comme étant mal fondée et il sied de confirmer le jugement querellé sur ce point.
Sur la demande en remboursement de la somme de 180.000 FCFA au titre de la caution
La caution, qui est en réalité le dépôt de garantie, est une somme d’argent versée par le locataire lors de la conclusion du contrat, à l’effet de couvrir les dommages pouvant survenir en cours de location, de sorte qu’en l’absence de dommages à la fin du bail, le locataire peut exiger le remboursement de la caution versée. En outre, le remboursement de cette caution nécessite au préalable un état des lieux fait contradictoirement entre les parties duquel, il doit résulter que le locataire a usé des lieux loués sans dommage et en bon père de famille.
En l’espèce, il est constant que les parties étaient liées par un contrat de bail, lequel a été résilié unilatéralement par la bailleresse. En effet, cette dernière a installé un nouveau locataire dans les locaux donnés à bail sans avoir préalablement effectué un état des lieux contradictoire avec son ancien locataire. En agissant ainsi, la bailleresse est réputée n’avoir aucune objection à formuler quant à l’état des locaux et ne peut par conséquent s’opposer à la restitution de la caution versée par le preneur. Au surplus, elle ne justifie pas de factures impayées à la charge dudit preneur au jour de la reprise du local. Par conséquent, il convient, d’infirmer le jugement querellé sur ce point et statuant à nouveau, de condamner la bailleresse à restituer au preneur la somme représentant la caution versée par ce dernier.
Sur la demande en remboursement de la somme de 140 000 FCFA au titre des loyers d’octobre et de novembre
Il résulte de l’article 112 alinéa 1 de l’AUDCG que le contrat de bail est un contrat synallagmatique qui impose aux parties des obligations réciproques et interdépendantes, consistant essentiellement pour le locataire au paiement du loyer, en contrepartie de la jouissance des lieux loués.
En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat versé au dossier que le locataire n’a pas pu jouir du local loué durant le mois de novembre. Cependant, conformément à l’article 1315 du Code civil, le locataire ne rapporte pas la preuve de s’être acquitté du loyer dudit mois de novembre. S’agissant du loyer du mois d’octobre, il ne justifie pas que les portes du local litigieux sont demeurées fermés durant ce mois. Dès lors, sa demande est injustifiée.
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts
L’article 1147 du Code civil nécessite pour son application la réunion de trois conditions cumulatives que sont : la faute, le préjudice et le lien de causalité entre ces deux conditions.
Dans la présente cause, la bailleresse a rompu unilatéralement le contrat de bail en fermant les portes du local avec des cadenas autres que ceux de son locataire et en y installant un nouveau locataire. A ce titre, un tel agissement est constitutif de faute. Il est indéniable que cette faute a causé à l’appelant un préjudice certain en ce qu’il a été obligé de cesser brutalement son activité commerciale qui constitue une source de revenu pour lui. Par conséquent, il y a lieu d’infirmer le jugement querellé sur ce point, et statuant à nouveau, de condamner la bailleresse au paiement de la somme de deux millions (2. 000.000) de francs CFA à titre de dommages et intérêts pour toutes causes de préjudices confondus.
Abstract : Stylain Goma, Conseil Juridique, Sénégal.
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Référence pour citer l’abstract :
Mai 2024, note d’abstract rédigée par Stylain Goma, « Le remboursement des impenses faites par le locataire est subordonné à la preuve de l’autorisation préalable du bailleur », in http://www.institut-idef.org et Accueil - Jurisprudence-OHADA, IDEF-OHADA-24-394, Côte d’ivoire, cour d’appel d’Abidjan, 5eme chambre, arrêt de défaut numéro 499-2023 du 16 mai 2023, , Monsieur A.O contre Madame K.A.G.
Contenu des dispositions nationales :
Article 1315 du Code civil français de 1804 applicable en Côte d’ivoire : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
Article 1147 du Code civil français de 1804 applicable en Côte d’ivoire : « Le débiteur est condamné, s’il y’a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait de mauvaise foi de sa part. »