Saisie immobilière : Nullité de l’arrêt de la cour d’appel pour avoir statué au-delà de quinze jours après l’acte d’appel

IDEF-OHADA-24-388, CCJA, deuxième chambre, Arrêt numéro 096-2022 du 09 juin 2022, Banque Atlantique Cameroun S.A.

Saisie immobilière : Nullité de l’arrêt de la cour d’appel pour avoir statué au-delà de quinze jours après l’acte d’appel

 

IDEF-OHADA-24-388, CCJA, deuxième chambre, Arrêt numéro 096-2022 du 09 juin 2022, Banque Atlantique Cameroun S.A. Contre Alpha Shipping Agency & Trading (ASAT) et Moise TALOM

 

Saisie immobilière : jugement de la juridiction compétente – appel - arrêt de la cour d’appel rendu au-delà de la quinzaine après l’acte d’appel - violation de l’article 301 de l’AUPSRVE – sanction - nullité dudit arrêt - évocation - titre exécutoire prouvant le caractère certain, liquide et exigible de la créance – défaut d’indication des frais de poursuite dans le cahier de charges – nullité –non - continuation des poursuites d’adjudication immobilière

 

Application des articles suivants :

 

Article 300 de l’AUPSRVE

Article 301 de l’AUPSRVE

Article 247 de l’AUPSRVE

Article 297 alinéa 2 de l’AUPSRVE

 

  1. Sur la violation des dispositions des articles 300 et 301 de l’AUPSRVE

 

L’article 300 de l’AUPSRVE pose in fine que : « La juridiction d'appel statue dans la quinzaine de l'acte d'appel ». En l’espèce, on note à la lecture de l’arrêt, objet du pourvoi, que l’appel a été formulé par requête en date du 15 juillet 2015, adressée au Président de la cour d’appel du Littoral et enregistrée au greffe de ladite cour le 16 juillet 2015. En application dudit article 301, la cour d’appel avait l’obligation de vider sa saisine dans le délai de 15 jours suivant le dépôt de ladite requête d’appel, c’est-à-dire avant le 1er août 2015. Dès lors, en rendant sa décision le 16 mars 2018, soit très largement au-delà du délai de quinze jours prévus par l’AUPSRVE, cette cour d’appel, qui était donc déjà dessaisie de l’affaire, a violé ledit texte.  Par conséquent, son arrêt est nul et de nul effet. Il y a alors lieu de le casser et d’évoquer.

 

  1. Sur l’évocation

 a- Sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance

 En l’espèce, une convention de compte courant a été conclue entre la Banque et la société défenderesse par acte notarié. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notification de mise en demeure de payer du 21 février 2012 et de la notification juridique du compte datée du 17 octobre 2013, que la créance de la banque est certaine. En effet, à la clôture du compte courant de la société qui lui a été notifiée, celui-ci présentait en faveur de la Banque un solde de 386.974.900 FCFA et aucune contestation n’en a été élevée par ladite société. Cette somme, au principal, a fait l’objet du commandement du 04 décembre 2014. Il en résulte qu’un an après la clôture du compte, les deux appelants sont mal fondés pour la contester et demander la nullité des poursuites. En outre, il existe dans les livres de la banque des indices précis et concordants que les saisis sont débiteurs, et que la vente de l’immeuble en cause est poursuivie en vertu de la grosse d’un acte d’ouverture de compte courant.  Ladite grosse, étant notariée, constitue bien un titre exécutoire qui prouve le caractère certain, liquide et exigible de la créance en question. De ce fait, la demande d’expertise dudit compte courant devient superfétatoire. Aucune violation de l’article 247 de l’AUPRSVE n’étant retenue, ce moyen est rejeté.

  1. Sur la nullité du cahier des charges pour défaut d’indication des frais de poursuites

Au regard de l’article 297 alinéa 2 de l’AUPSRVE, le défaut d’indication des frais de poursuites dans le cahier des charges n’est sanctionné par la nullité qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver que l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice à ses intérêts. En l’espèce, les deux appelants n’ont pas apporté la preuve du préjudice qu’ils auraient subi du fait d’un tel défaut. A ce titre, ce moyen mérite également rejet.

  1. Sur la sommation de prendre connaissance du cahier des charges

Dès lors que les pièces de la procédure renseignent clairement que l’un des appelants, à qui la sommation a été signifiée, cumule les qualités de Directeur général de la société appelante, de tiers constituant et de propriétaire de l’immeuble saisi, il est difficile de supposer que ladite société n’a pas eu connaissance du cahier des charges. Tel est également le cas de l’épouse de l’un des appelants, car non seulement sa qualité d’épouse du Directeur général de la société rend improbable son ignorance de la procédure initiée mais, encore et surtout, elle n’apporte nulle preuve pour étayer sa prétention de « caution ». De tout ce qui précède, ce moyen d’appel mérite aussi rejet.

Aucun des moyens d’appel n’ayant prospéré, le jugement attaqué est confirmé. Par conséquent, les poursuites doivent continuer et une nouvelle date d’adjudication est à fixer.

Abstract: Arnaud SILVEY, Cabinet SIRE OHADA (Togo)

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Référence pour citer l’abstract

            Mars 2024, note d’abstract rédigée par Arnaud SILVEY, « Saisie immobilière : Nullité de l’arrêt de la cour d’appel pour avoir statué au-delà de quinze jours après l’acte d’appel », observations de André NGUEGHO, in http://www.institut-idef.org  et http://www.jurisprudence-ohada.com , IDEF-OHADA-24-388, CCJA, deuxième chambre, arrêt numéro 096-2022 du 09 juin 2022, Banque Atlantique Cameroun S.A. Contre Alpha Shipping Agency & Trading (ASAT) et Moise TALOM

Observations : André NGUEGHO, Docteur en Droit privé, Chargé de cours à la FSJP de l’Université de Yaoundé II (Cameroun)

Pour des raisons de célérité, le législateur OHADA, à l’article 301 in fine de l’AUPSRVE, a imposé à la juridiction d’appel un délai de quinze jours pour statuer dès qu’elle est saisie d’un appel interjeté contre la décision de la juridiction compétente rendue en matière de saisie immobilière. Mais curieusement, aucune sanction n’a été prévue expressément en cas de violation dudit délai. Le législateur OHADA manque parfois de cohérence, car il aurait dû adopter la même solution consacrée à l’article 27 de l’Acte uniforme relatif au droit d’arbitrage et consistant au dessaisissement d’office de la juridiction défaillante (saisie d’un recours en annulation de la sentence arbitrale) et la possibilité de saisine de la CCJA. Comblant alors ce vide juridique, en l’espèce, et s’inspirant probablement de ce dernier texte, la CCJA a jugé à bon droit que le non-respect de ce délai entraine le dessaisissement d’office de la juridiction d’appel et la nullité de son arrêt rendu dans la cause. Tirant les leçons de cette position de la CCJA, le justiciable diligent, après l’expiration dudit délai de 15 jours imparti à la juridiction d’appel, doit songer à saisir immédiatement la Cour commune. De même, et sous peine de « tirer les marrons du feu », cette juridiction d’appel, après l’expiration dudit délai, doit aussi se dessaisir immédiatement de l’affaire au profit de la CCJA. L’objectif de célérité, recherché par le législateur, commande cette attitude. Toutefois, en l’espèce, même avec cette position de la CCJA, ce principe de célérité semble être un vain mot. En effet, la cour d’appel a pris environ trois ans pour rendre sa décision dans la cause alors qu’elle aurait dû le faire seulement en quinze jours. Pour la corriger, la CCJA a pris aussi environ deux ans pour se prononcer. N’aurait-il pas été de bon aloi que lorsque la CCJA se « substitue » à la juridiction d’appel, qu’elle soit tenue de statuer aussi dans le délai de 15 jours à compter de sa saisine ou de la réception du pourvoi ? Le principe de la célérité consacré par le législateur OHADA, à l’article 3 précité, milite en faveur d’une réponse affirmative. Sinon, il est inique que la CCJA censure la juridiction d’appel pour n’avoir pas rendu sa décision dans ledit délai de 15 jours alors qu’elle-même ne peut pas le faire.

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